Débat public Projet de nouveaux réacteurs nucléaires à Gravelines
PROJET DE NOUVEAUX RÉACTEURS NUCLÉAIRES À GRAVELINES
du 17.09.2024 du 17.01.2025
Le point de vue de Global Chance sur le projet de nouveaux réacteurs nucléaires à Gravelines.
Global Chance est une association de scientifiques (experts, ingénieurs, physiciens, économistes, sociologues), qui s’est donnée pour objectif de tirer parti de la prise de conscience des menaces qui pèsent sur l’environnement global pour promouvoir les chances d’un développement mondial équilibré. Les membres de Global Chance proposent, notamment dans le domaine de l’énergie, des réponses en harmonie avec la nature.
Ce cahier d’acteurs a été établi avec le soutien technique du GSIEN (Groupement de Scientifiques pour l’Information sur l’Energie Nucléaire), éditeur de la Gazette Nucléaire. https://gazettenucleaire.org
EN BREF.
La construction envisagée de deux réacteurs EPR2 sur le site de Gravelines, à partir de la fin des années 2020, entraînerait une augmentation notable des émissions de gaz à effet de serre avant l’échéance de la neutralité carbone en 2050. A contrario, la réduction de ces émissions pourra être assurée par l’application de mesures d’efficacité énergétique et par la mise en œuvre d’installations éoliennes, photovoltaïques, de méthanisation et de chaleur renouvelable et de récupération.
L’EPR2 est conçu comme une « simplification » de l’EPR, portant malheureusement sur des équipements vitaux pour la sûreté : enceinte de confinement, non protection des combustibles irradiés par cette enceinte, ralentisseur de corium, etc. L’EPR2 présente un défaut majeur : l’absence de parade à l’accident grave (fusion du cœur envisageable) en cas de perte de refroidissement, tout en mettant en place des dispositifs qui devraient permettre d’éviter l’accident majeur (impacts sur l’environnement) dont la fiabilité reste à démontrer.
Le site de Gravelines est particulièrement mal adapté à l’implantation d’EPR2 pour trois raisons majeures : la vulnérabilité des réacteurs existants et nouveaux aux risques physiques (inondations notamment) ; la vulnérabilité de ces réacteurs aux risques d’accident industriel, aggravé par l’effet domino induit par le grand nombre de réacteurs ; la vulnérabilité économique des installations industrielles vis-à-vis d’un accident nucléaire grave, vulnérabilité peu analysée jusqu’à ce jour.
Par ailleurs, comme le souligne la Cour des comptes dans son rapport de janvier 2025 (la filière EPR : une dynamique nouvelle, des risques persistants), les coûts de l’EPR2 ne sont pas maîtrisés et sa rentabilité prévisionnelle reste inconnue.
Raison supplémentaire de surseoir à la construction des EPR2 de Gravelines.
Contact : Global Chance Adresse 67 rue de la Fraternité
LE PROGRAMME EPR2 EST INUTILE ET DANGEREUX, LE SITE DE GRAVELINES N’EST PAS JUDICIEUX
1. POLITIQUE ENERGIE-CLIMAT – LE PROJET DE NOUVEAUX RÉACTEURS EPR2 A GRAVELINES EST INADAPTÉ
Dans la synthèse du dossier des maîtres d’ouvrage du projet de construction d’une paire de réacteurs EPR2 à Gravelines, EDF justifie ce projet en arguant de l’indispensable décarbonation de l’énergie à l’horizon 2050.
Il faut garder à l’esprit que l’électricité, au début des années 2020, ne représente que 24% de l’énergie finale consommée et que le nucléaire, qui contribue à 70 % de la production électrique, ne fournit que 17% de la consommation d’énergie finale.La stratégie nationale bas carbone est donc fondée, en premier lieu, sur la forte diminution des consommations d’énergie (30 à 50%) et la forte contribution des énergies renouvelables en substitution des énergies fossiles (pour la production électrique et les usages non électriques), dont la contribution devra passer de 67% à 0% du bilan d’énergie finale. En conséquence, la principale « source » énergétique en 2050 ne peut être que l’efficacité énergétique et la sobriété.
Quant à l’électrification des usages, autre composante de la stratégie, et l’indispensable disponibilité de sources électriques fiables qu’elle conditionne, elles ne pourront être effectives que si leur délai de mise en œuvre est compatible avec le calendrier retenu (objectif 2050).
Fig 1 : Extrait de « RTE-Futurs énergétiques 2050-Principaux résultats-Octobre 2021. Consommation finale d’électricité (hors pertes, hors consommation issue du secteur de l’énergie et hors consommation pour la production d’hydrogène). Consommation intérieure d’électricité dans la trajectoire de référence de RTE = 645 TWh.
Selon le dossier des maîtres d’ouvrage (Synthèse, p.13), les deux réacteurs EPR2 de Gravelines seraient mis en service en 2038 et 2039. Sans imaginer que le délai de construction soit identique à celui de l’EPR de Flamanville (17 ans de construction, 12 ans de retard), ces dates sont totalement incompatibles avec le calendrier de la stratégie de décarbonation, même si le « premier béton nucléaire » devait être coulé en 2031, soit seulement sept ans avant la première divergence.
Les spécificités industrielles du site de Gravelines, les risques que les réacteurs font courir aux autres installations, et les conditions que celles-ci imposent en matière de sûreté nucléaire, ne peuvent que retarder considérablement les délais de construction et de certification.
En conséquence, la contribution des deux EPR2 de Gravelines au bilan énergétique décarboné attendu pour 2050 sera, au mieux marginale, peut-être nulle, certainement négative.
Les efforts financiers et en matière industrielle que la nation devra consentir pour la construction de ces deux réacteurs privera les acteurs du secteur énergétique des moyens qui permettraient d’atteindre les résultats recherchés par la valorisation de l’efficacité énergétique et par le recours aux énergies renouvelables, solutions éprouvées sur le plan technique, sans mauvaise surprise financière à attendre et réellement efficace en matière de décarbonation.
2. LE SITE DE GRAVELINES CONSTITUE UNE MENACE POUR LES INSTALLATIONS NUCLEAIRES
Le site de Gravelines est exposé à des risques qui sont de trois natures :
• Le risque d’inondation externe.
Malgré ce qu’affirme EDF, à savoir que le risque d’inondation externe (par la terre ou par la mer) est pris en compte à la conception, les phénomènes météorologiques exceptionnels et dangereux sont devenus plus fréquents au cours des dernières années, c’est une conséquence du changement climatique.
La difficulté d’appréhender scientifiquement les causes de ces évolutions à moyen terme (le tournant des XXIème et XXIIème siècles) font planer un doute sérieux sur la protection du site des deux EPR2 vis-à-vis du risque d’inondation, comme l’a souligné Greenpeace (La centrale nucléaire de Gravelines, un château de sable en bord de mer-2024).
Au risque intrinsèque d’inondation de la plateforme des EPR2 est associé le risque d’inondation des six réacteurs du palier CP1 900 MW mis en service de 1980 à 1985 dont la durée de vie doit être prolongée au-delà de 40 ans. Ces réacteurs étant construits sur une plateforme moins élevée de 5,5 m que celle des EPR2 (Dossier des maîtres d’ouvrage EPR2 Gravelines, p. 74 & 75) ils sont naturellement plus vulnérables aux inondations. Les conséquences d’une inondation sur l’un ou plusieurs des réacteurs préexistants ne peuvent donc être dissociées du risque nucléaire initié par une inondation.
• Le risque lié à l’environnement industriel.
On ne trouve nulle-part, dans les dossiers diffusés lors du Débat public, la description des conséquences d’accidents survenant dans l’une ou l’autre des nombreuses installations industrielles situées à proximité du site nucléaire de Gravelines (Grand Port Maritime de Dunkerque) sur les réacteurs EPR2. Pas moins de 16 usines SEVESO sont proches du site nucléaire. Il est prévu d' »étudier les effets de surpression, thermiques et toxiques », sans préciser dans quelles conditions et à quel moment.
Fig 2. Carte des usines classées ICPE et Seveso. Extrait de Trait d’Union n° 104 CRIIRAD (2024).
• Le risque lié au terminal méthanier.
Les effets d’un accident affectant le terminal méthanier (explosion à distance ou au-dessus de la centrale, fuite de gaz) ne sont nullement présentés. Ce type d’accident n’a certainement pas été envisagé.
Soulignons que tous les accidents dont l’élément initiateur se situe à l’extérieur du site nucléaire doivent prendre en compte l’effet domino s’appliquant aux installations industrielles et au terminal méthanier d’une part, et à l’ensemble des huit réacteurs du CNPE de Gravelines d’autre part.
3. LE RISQUE économique INDUIT PAR LES réacteurs EPR2 PRÉVUS A GRAVELINES SUR L’ENVIRONNEMENT INDUSTRIEL EST TROP IMPORTANT
Le fonctionnement des installations industrielles présentes sur le site de Dunkerque est capital pour l’économie régionale et celle du pays. Dans un rayon de moins de 10 km autour de la centrale, sont implantées de multiples installations industrielles : data center géant, usines métallurgiques, industries chimiques, terminal méthanier, terminal pétrolier, auxquels doivent s’ajouter dans les prochaines années un terminal hydrogène, un terminal CO2, des usines de recyclage de batteries…
Quelles seraient les conséquences d’un accident nucléaire majeur sur l’activité de ces installations industrielles ? Fermeture temporaire ou définitive ? Le risque associé à la présence massive d’installations nucléaires doit donc aussi être apprécié en termes économiques, à savoir l’indisponibilité d’unités de production indispensables à l’économie nationale. Aucune information de ce type n’est disponible dans les documents mis à disposition du public, le sujet n’est pas même évoqué. Or, les risques d’accident susceptibles d’affecter les EPR2 de Gravelines sont loin d’être négligeables. Ils devraient être construits après ceux de Penly, sans qu’un retour d’expérience raisonnable puisse être acquis.
Tous ces réacteurs peuvent être considérés comme des « têtes de série », la seule expérience engrangée étant celle des EPR, dont l’EPR de Flamanville (construction de 2007 à 2024, mise en service en 2024, non encore en service industriel à l’heure où ces lignes sont écrites). Ce réacteur a accumulé un grand nombre de problèmes, dont certains qualifiés de « sérieux et persistants » dans le rapport que Global Chance a consacré à ce réacteur
(L’EPR de Flamanville : doutes et risques-2024- ) https://global-chance.org/L-EPR-DE-FLAMANVILLE-DOUTES-ET-RISQUES).
Rien ne permet de penser que ces problèmes (contrôle-commande, système de pilotage, vibrations hydrauliques, fluctuations neutroniques, ruptures de gaines, etc.) n’affecteront pas les EPR2, contribuant à leur dangerosité et au risque que ces réacteurs font courir à leur environnement industriel et économique.
CONCLUSION
La décarbonation de la production électrique (objectif 2050) ne nécessite pas de construire de nouveaux réacteurs nucléaires, à Gravelines et nulle part ailleurs. Les énergies renouvelables, dont l’intermittence n’est pas un obstacle à leur utilisation massive, associées aux progrès en matière d’efficacité et de sobriété, permettent d’atteindre les objectifs socio-économiques en atteignant la neutralité carbone en 2050.
Économiquement, la compétitivité du nucléaire est loin d’être assurée, disqualifié par les contraintes en matière de sûreté et les incertitudes qui affectent le traitement du combustible avant et après irradiation, comme le met en évidence le rapport de la Cour des comptes de janvier 2025 : La filière EPR : une dynamique nouvelle, des risques persistants.
Prévoir l’implantation de nouveaux réacteurs du type EPR2 sur le site de Gravelines constitue une décision inappropriée. En raison de la vulnérabilité des réacteurs existants et de ceux qui constituent le projet EPR2 Gravelines, vis-à-vis des risques physiques, risques d’inondation en premier lieu, et des risques que représentent les installations industrielles actuelles et futures situées à proximité de réacteurs. Le grand nombre d’installations industrielles et la présence sur le même site de huit réacteurs pouvant engendrer un effet domino incontrôlable.
Enfin, dernier élément concernant la vulnérabilité : celle des installations industrielles dont le fonctionnement pourrait être affecté par un accident nucléaire grave. Les conséquences économiques associées à un tel risque disqualifient définitivement le choix de Gravelines comme site du programme EPR2.
Global Chance et le GSIEN sont opposés à la construction de deux EPR2 à Gravelines.
Débat public : Projet de nouveaux réacteurs nucléaires à Gravelines
244 Boulevard Saint-Germain – 75007 Paris
pour participer : epr.gravelines@debat-cndp.fr
pour en savoir plus : www.debatpublic.fr/projet-nouveaux-reacteurs-nucleaires-gravelines